La vie est simple comme bonjour quand on ne s’embarrasse pas de détails insignifiants : tu survis ou tu meurs, tu marches encore sur tes deux jambes ou tu es étalé sur le sol avec un trou dans le bide et le sang qui coule à flot autour de toi. Hé Ouais ! Ce serait rigolo de savoir ce qu’il y a tout en haut mais, à vrai dire, je m’en contrefous totalement de la manière dont il faut y parvenir. Après tout, dans ce joyeux petit monde, il faut torturer ou tuer pour avoir le droit d’avancer… Et de pouvoir encore une fois faire tout ce que tu veux en te fumant une foutu clope et en buvant une foutu bière. Hé ouais ! Voilà le triptyque du bonheur : clope, bière, mort.

Si tant est que j’avais un destin hors du commun ou, a minima, heureux, peut-être aurais-je fini comme prince ou roi, voire même dieu de la galaxie ! Il semblerait que, finalement, ça ne soit pas le cas : on m’a retrouvé tout bébé dans une poubelle, on a eu la délicatesse de prendre soin de moi en me traitant comme de la merde et en me filant deux flingues à la place de deux hochets. C’était marche ou crève, c’était du style « tu nous coûtes du crédit, tu vas bosser pour les rembourser sale mioche de merde ». Balayer, nettoyer, taper, flinguer, assassiner, manger, dégueuler et se pieuter. Finalement, ce n’est pas que je me plaigne mais en fait, je m’en fous : très tôt, dans un coin de ma cervelle de sale gosse de sept ans, je cherchais le moyen de buter mes bienfaiteurs quand j’aurais tout appris d’eux. Après tout, ils m’en ont bien fait voir de toutes les couleurs mais ils me sont encore utiles : mais quand ça ne sera plus le cas, oh qu’ils vont salement morfler ! J’allais bien leur montrer que j’avais amplement mérité mon diplôme du plus gros salopard sans cœur de ce monde. Reçu avec mention très bien ! Promotion d’honneur de cette famille de merde ! J’allais faire dans le « classe » et l’efficace. Et quand j’en aurais finis avec eux, j’irais retrouver mes véritables parents afin de leur montrer à quel point je les aimais. T’as vu tout ce qu’un sale gosse de sept piges peut avoir comme merveilleuse idée dans sa tête ? Pas jojo hein ? On s’en fout ! Les Gosses, c’est rien que des gosses donc on leur pardonne tout et ça m’arrange bien ! Et je vous laisse imaginer ce que ça donnera… 18 ans plus tard…. Quoique non, je n’en ai pas envie : après tout, on est bien ensemble non ? On cause, on discute, on a une bière entre nos mains, on se bourre la gueule, on se fume un pétard mortelle ! Allez, on continue !!!

Ce n’est pas pour me vanter… Quoique… Mais, je suis très intelligent… À ma manière bien sûr… J’apprends très vite quand ça m’arrange : quand quelque chose m’intéresse et quand ce « quelque chose » servira bien mes intérêts présents ou futurs, j’enregistre à la vitesse de la lumière. Tu me montres un truc une fois, c’est dans la cervelle à vie. Au contraire, quand tu veux m’enseigner un truc à chier, je fais semblant que ça m’intéresse mais je m’en fous : ça passe par une oreille, ça ressort par l’autre à la vitesse d’un TGV ultra sonique. J’en aurais bien chié jusqu’à mes quinze ans à apprendre les techniques d’assassinat à mains nues, à savoir combattre, à élaborer toutes formes de stratégies pour tuer ma cible et surtout à savoir tirer avec des armes. Tu sais quoi ? Je vais t’étonner : j’étais plutôt bon élève. Je sais écrire, je sais compter et je connais même ces fameux trucs de psychologies. Ça sert quand tu veux jouer avec l’esprit des gens et quand tu veux les torturer comme il faut. Note bien que je n’y prends pas particulièrement plaisir mais après tout, je m’en fous : comme on n’a jamais cessé de me le dire, tous les moyens sont bons pour atteindre un objectif, même les plus dégueulasses… Enfin, surtout les plus dégueulasses ! Et ça me convient. Enfin bon, ce fut à mes quinze ans que je décidais d’en finir avec cette histoire. Pourquoi ? Parce que ça me saoulait. Comme on dit toujours, les bonnes choses ont toujours une bonne fin et il était temps de montrer mon affection à ma famille d’adoption. Pas d’explication, pas de blabla inutile : une mise à mort nette, propre et sans bavure. Mais avant ça, j’allais enfin passer à l’action : à force de m’envoyer tuer des gens, ils avaient créé un monstre. Et plus je grandissais, plus je faisais passer le pire des démons pour un putain d’enfant de chœur. Comment je les ai butés ? Comme je te l’ai dit : rapide, net, propre et sans bavure. Un papa, une maman, un frère et une sœur qui venait de naître pendant leurs sommeils : quatre balles dans la tête. L’équation est simple comme bonjour. On met le feu, on crame tout, on attend bien que tout soit carbonisé. Pour le fun, au préalable, j’avais buté un gosse du coin du même âge et de la même corpulence que moi : un de ces gosses dont on se fout qu’il crève car ce n’est rien de plus qu’un petit grain de sable dans ce monde. Tout ça dans le mixeur et vous avez le crime parfait. Moi, dans cette histoire, je n’étais plus qu’une ombre, un fantôme sans passé. Et ça me convenait parfaitement !

Tu sais, même à quinze ans, j’avais déjà mes habitudes : tout ce qui est à ma portée, je bute. Tout ce qui est hors de ma portée… je bute aussi. Pas besoin de réfléchir: tu vois quelqu’un, tu le butes et c’est pas plus compliqué que ça. Aucun état d’âme, aucune pitié et pas de sentiment. Après, quand ça devenait un peu plus cérébral, tu te tais, tu repères le plus malin, tu fais copain copain, tu le laisses mener la danse et tu récoltes les lauriers sans te casser la tête. Hein ? Quand je dois faire un tes tout seul, comment je fais ? Bah… On va dire que je me débrouille : je te l’ai dit, je suis malin quand ça m’arrange. C’est rapide de monter ? Et je fais comment sans me faire repérer par les hauts gradés ? Je crois bien qu’ils s’en foutent de la méthode employée car on n’est pas dans le Monde des Bisounours. Tu as toujours des enfoirés qui sont prêt à passer un contrat avec toi quand ils veulent que tu butes « par accident » quelqu’un. Ça, c’est les Réguliers qui utilisent les autres pour avancer parce que ce ne sont rien de plus que des tocards qui pissent dans leurs frocs quand ils ont un flingue dans la bouche. Mais, pour le moment, fallait buter Papa et Maman. Et puis, fallait aussi que je connaisse chaque étage comme sur le bout des ongles. Plus tu sais, plus tu connais, mieux tu peux flinguer. Et au bout de cinq longues années, je les avais enfin retrouvés.

Ils se planquaient quelque part dans le deuxième étage de la tour. Tu sais quoi ? Ils ne m’ont même pas reconnu : comme j’aurais pu les buter facilement ! Mais, je voulais qu’ils souffrent. Putain ! Ils avaient la belle vie ! Des aventuriers qui ne voulaient pas s’encombrer d’un mioche parce qu’ils voulaient monter tout en haut. Alors on fait quoi ? Bah, on se débarrasse du problème, on jette le bambin dans la poubelle et on poursuit, sans remord, ses aventures de grandeurs. Est-ce que je voulais me venger ? Je t’avoue que oui : rien qu’une fois et une seule fois, connaître le goût de la vrai vengeance et voir quel plaisir cela procure. Innocemment, je me disais que peut-être je changerais : j’aurais peut-être un nouveau départ qui sait. J’ai fait ami ami avec eux. Et moi, dans cette histoire ? J’allais me faire une joie de bien la leur mettre profond… Et dans les grandes règles de l’art. J’ai pris mon temps avec eux : je suis resté six mois à être leur protecteur. Bah quoi ! Normalement, un fils, ça protège ses parents sauf que moi, je voulais les massacrer en bonne et due forme. Puis, un jour, j’en ai eu marre. Ça a été rapide : je me suis présenté, je leur ai révélé la vérité, j’ai vu leurs gueules se déformer par la réalité du passé, j’ai même vu du regret tiens. Des excuses, des larmes etc etc… Le truc habituel vu et revu. Alors, j’ai souri et je leur ai pardonné… Et ils semblaient si apaisés, si heureux… Même quand j’ai tiré plusieurs fois sur eux avec un très grand sourire et une clope dans le bec. Même quand je faisais bien exprès de ne pas cibler leurs points vitaux pour qu’ils souffrent. Je les ai torturé, je les ai littéralement coupé en morceau : d’abord les jambes, puis les bras… Lentement mais surement, en faisant en sorte qu’ils vivent le plus longtemps. Une nuit d’agonie, une nuit où nous étions seuls. C’était super génial ! Quand tu brises la confiance de quelqu’un et que tu mates ça, j’ai bien envie de dire que c’est le pied mais très vite, après la colère vient l’indifférence. T’as tellement tué tout au long de ta vie que même ton sentiment de vengeance s’étiole rapidement au prix de la normalité. Ils sont morts assez rapidement. Alors, j’ai fait comme mes parents adoptifs : j’ai enlevé toute trace de leurs existences. On se demandera ce qu’ils sont devenus, on enquêtera un peu puis on les oubliera. Peut-être qu’on viendra me poser quelques questions mais je répondrais que ça c’est fait quand je n’étais pas là. C’est dur la vie hein ? C’est marrant quand même : il y a pleins de choses qui arrive quand on n’est pas là. Mais voilà, j’en avais terminé avec tout ça. Et maintenant, qu’est-ce que je pouvais bien faire d’autre ?

Cinq ans ! J’ai vingt-cinq ans mec ! Est-ce que les Grands Pontes savent ce que j’ai fait ? Je m’en fous complètement : s’ils ne sont pas contents, ils n’ont qu’à venir me chercher et tenter de me buter. Je n’en ai rien à foutre : il vaut mieux une vie courte et excitante plutôt qu’une vie longue et chiante. Jusque-là, personne n’est venu se plaindre et je n’ai jamais cherché à monter plus haut. J’accepte tout type de contrat du moment que je suis bien payé en temps et en heure. Je n’ai aucun objectif particulier et je n’ai ni rêve, ni désir. Je flingue à tout va quand on me le demande ou quand je m’ennuie. Mais, des fois, c’est vrai qu’il y a un truc que je voudrais bien faire : monter au centième étage, descendre la braguette de mon futal, sortir ma grosse artillerie et pisser du haut du centième étage tout en rigolant comme un con. Et, avec en prime, un doigt d’honneur bien senti tendu en direction de ce monde de merde. Après quoi, je pense bien que je me tirerais une balle dans le crâne et fin de l’histoire. Je n’attends rien de personne et personne n’attend rien de moi, j’emmerde le monde et le monde m’emmerde en retour. C’est très bien comme ça : la vie de famille, les amis, les sentiments d’amour et d’amitié, c’est très peu pour moi ! Note bien que ça changera peut-être un jour car personne n’est devin en ce monde. Personne ne connaît mon nom et mon prénom, on m’appelle toujours par le surnom qu’on m’a donné : le Flingueur. Je flingue les gens, je flingue la vie, je flingue le destin…