Lâchez-les aux fauves !
[Ft. Soo-Yun]
[00:00:01:06]
Ces nombres perdaient de leur valeur alors qu'il défilait les pages de son livre à une vitesse extraordinaire, tenant compte du fait qu'il les lisait entièrement. Le brouhaha ambiant le fâchait mais il ne pouvait y changer quoi que ce soit, et simplement prendre sur soi. Seikō expira longuement, avant de plier le manuscrit d'études psychologiques qu'il tenait entre ses mains. Il fut étonné d'apprendre que le sujet du livre, qui d'habitude le captivait pleinement, ne faisait que l'irriter au milieu de la foule. À la fin, ça ne l'a rendu que plus curieux sur cette science - et il regrettait déjà d'avoir fermé le bouquin.
[00:00:00:45]
Il n'aimait pas rester assis à rien faire. Debout aussi, d'ailleurs - il avait simplement l'habitude de trouver des distraction avant même d'avoir cherché... Ça l'en a rendu bien apathique, pensa-t-il. Alors, pour faire passer les quelques quarante secondes restantes, ni plus ni moins, il déclare distinctement en continuant de regarder en face : "Qu'est-ce que t'as ?". Pourtant, personne n'était visible - ni invisible d'ailleurs - devant lui. Devant lui ne se trouvait que le cercle de téléportation du troisième étage, entouré de bancs, comme à la manière d'un amphithéâtre, sur lesquels une cinquantaine de personnes patientaient. Dont lui, jusqu'à il y a quelques instants : il n'avait plus la force de patienter.
Derrière lui étaient assis six individus, plus que cinq depuis la déclaration du jeune homme. Un grand bonhomme d'une trentaine d'années portant des lunettes de soleil ainsi que des lunettes de vision nocturne sur son nez et son front réduisit en un instant les quelques pas qui le séparait de Seikō. Le garçon aux vêtements d'hiver se lève à son tour, et se retourne pour faire face à son interlocuteur : il mesurait sûrement un cousin de plus que lui, pensa-t-il, rêvant au même moment d'un oreiller et d'un doux matelas.
[00:00:00:34]
Tic!
Sans baisser les yeux, Han démarra le minuteur de son chronomètre : il affichait seize minutes et quelques et comptait à rebours. Il reste silencieux et fixe le géant à l'accoutrement ridicule qui le prenait de haut ; il attendait une réponse, et ne comptait pas se répéter. L'intense échange de regards était tel qu'il faisait taire la poignée de personnes qui se tenaient à proximité, et même les deux concernés.
[00:00:00:23]
Une expression plus décontractée et moqueuse se dessina alors sur la face du titan : "Bah alors, p'tit bonhomme. Qu'est-ce que tu viens faire là : tu veux retenter le 'troisième ?" Il relâcha un long esclaffement qui en fit grimacer plus d'un autour. Mais il ne leur prêtait pas attention, déjà concentré sur son présent dialogue. Par "troisième", il sous-entendait que Seikō cherchait une nouvelle équipe pour passer le test du troisième étage. Or, ce dernier avait déjà passé le test depuis longtemps déjà, et était retourné - illégalement dirait-on - à cet étage juste hier, en empruntant la Zone Intermédiaire.
La manœuvre qu'était d'attendre les nouveaux arrivants à l'étage 3 pour former de nouvelles équipes et boucler facilement le test de l'étage était courante, ici - il a par ailleurs lui-même été scouté dans une de ces équipes.
Watanabe rétorqua après un moment de silence, d'un air hautain : "En quoi ça te concerne, gros lard ?". Et, comme par magie, le tas de muscles abandonna instantanément son sourire pour laisser Seikō l'adopter. Un problème cependant : l'antagoniste venait maintenant de transiter en phase "sérieusement énervé", comme tout le monde autour le remarquait à son visage.
[00:00:00:12]
La tension était palpable, sur l'arène improvisée ; et tout le monde pas trop loin pour ne pas entendre s'était rapproché pour encore mieux écouter et observer. Le colosse devait sûrement être une figure populaire ici, pensa Han en œillant leurs réactions. Il n'était pas accoutumé à cet étage-là, car il n'y était restait qu'un seul mois par le passé. Il venait d'y revenir afin de recruter une main d'oeuvre de secours, une sorte d'agent présent quelques étages en dessous de lui constamment, pour faciliter certaines opérations qu'il entreprendrait sûrement par le futur. Évidemment, il n'était ni une entreprise ni un culte à lui seul ; il ne comptait donc pas recruter explicitement une personne - mais plutôt de manière suggestive.
Il œuvrait en planifiant des années en avance, pour être sûr de ne pas tomber des années en arrière, en cas de pépin. Mais en l'heure, il devait agir dans l'immédiat s'il ne voulait pas tomber tout court, tête la première. Il fut très attentif à la réponse du gigantesque opposant, affichant désormais un rictus déconcertant.
"J'ai dû mal entendre. Oui, sûrement...-" Son monologue fut aisément coupé par un petit rire de Seikō.
[00:00:00:11]
Puis, avant même qu'il ne redirige son attention vers le nain de jardin qui l'avait provoqué, le gnome fut venu à lui. Plus précisément, il déposa sa main droite sur la très haute épaule du géant, comme pour la caresser. Et déclara pour l'humilier : "J'ai dit : Gros. Porc."
Instantanément, le gargamel attrapa petit homme par le goulot de son vêtement, le soulevant violemment à son niveau en le suspendant en l'air. "T'as dis quoi ? T'es dans la mouise ! Espèce de corniaud !" disait-il paradoxalement en langage plutôt soutenu. Il éleva ainsi son énorme poing, et s'apprêta à éclipser le visage du Guide sous sa masse. Seikō, lui, n'affichait qu'une aussi grande risette qui fit hésiter quelques instants son ennemi. Dommage.
[00:00:00:00]
Biiip~!
Les haut-parleurs interpellèrent toute la scène, immédiatement suivis d'une scintillante lumière verte qui aveugla l'entièreté de l'arène. La téléportation du deuxième au troisième étage venait de démarrer.