Brûler ou ne pas brûler le champ, telle est la question
Bordel. Y a rien à dire, cet endroit est merdique. Plus on monte dans cette tour et plus c'est la merde. Entre l'étage avec des grottes partout où on peut crever si on tombe dans un trou et cet étage de mort avec quoi ? On bah pas de soleil pour bien t'emmerder et une chaleur de mort ! Mais merde quoi, j'en ai marre, je veux un étage tranquille où y a du soleil, une petite brise et un endroit où pioncer tranquillement sans péons qui viennent te lécher les bottes toutes les dix minutes pour que je vienne dans leur équipe ! Je finis par soupirer tout en allant vers un champ, enfin un champ précis, parce qu'ici y a que des champs ! Enfin la moitié est brûlée avec les forêts, c'est un peu la mort de vivre ici j'ai l'impression …
Bref, j'arrive au champ où on m'avait donné rendez-vous, un paysan du coin a demandé de l'aide à cause de brigands qui font leur loi ici, je sens que ça va être la joie tient. Lorsque j'arrive je vois un vieillard voûté avec un chapeau de paille accroché à son cou, tu m'étonnes, y a pas besoin de chapeau ici, y a pas de soleil. Je m'approche de lui et il sursaute en pointant sa bêche sur moi, je lève les mains un moment avant de remarquer qu'il tremble et ne tient pas sur ses jambes.
« T'es qui toi ?! Tu veux m'arnaquer avec ton gang de voyous ?! Je vais pas me laisser faire sale mioche ! Je sais me servir d'une arme, dans mon temps on m'appelait le démon des champs ! »
« Ouai bah calmos papy hein, je suis là pour t'aider, pas pour te racketter, alors baisse ton arme tu veux ? Démon des champs ou pas, si tu veux de l'aide va falloir être gentil avec moi. Hmm, devait pas y avoir quelqu'un d'autre avec moi ? Pas que je peux pas me débrouiller tout seul, mais ça me ferait chier de le prendre pour un ennemi. »
Je lui fais baisser son arme en posant juste un doigt dessus et le faisant baisser, il a aucune force papy, comment il s'occupe de son champ au juste ? Il a des employés ? Un familier ? De la magie ? Je soupire et je regarde partout, j'espère que le gars avec qui je vais faire équipe ne sera pas un poids. Je n'aime pas trop les grandes gueules qu'on rien dans le pantalon, moi j'ai une grande gueule, mais j'ai aussi des explosions, donc je peux l'ouvrir. Bref, en attendant je demande quand même des explications au vieux.
« Sinon je suis Alec Liam Yatsuatari, appelez-moi Alec ou Liam comme vous le souhaitez. Du coup, en attendant, je peux avoir des détails sur les gars qui vous font des misères ? »
« Oh et bien euh, ce sont des hommes, ils sont plusieurs et font partie d'un gang de voyous ! Ils disent à tous les agriculteurs du coin de les payer pour être protégé, mais si on refuse, ils viennent brûler les champs ! »
Je le regarde un peu déprimé et légèrement agacé, c'est quoi ce vieux il se fout de ma gueule ?! Je le sais déjà ça, ce sont exactement les mots de l'annonce ! Je vais raser moi-même son putain de champ s'il me donne pas des infos plus solides que ce qui est déjà dit dans l'annonce du job ! Ô toi destin, aide moi pour cette tâche, fait en sorte que je bute pas le vieux, fait en sorte que je réussisse à rester calme, faire le job et récolter la récompense sans péter de câble. Je ferme les yeux et essaie de rester calme face à cette situation merdique dans cet endroit merdique.
Tout en se versant une tasse de thé, Lys pensa au miracle de la vie de cette tour ; aller d’un étage à un autre. Elle qui était restée cantonnée au septième étage depuis si longtemps avait dû aller à l’étage 3, puis 7, et la voilà désormais à l’étage 8 en si peu de temps... Et son complice avait plus gagné en fiabilité en trois semaines qu’en trente ans. Le destin était si étrange, parfois... Souriant en émettant un petit son amusé, elle se faufila sans bruits jusqu’au champ du rendez-vous. Pourquoi avait-elle décidé d’aller à l’étage 8, soudainement ? Pour venir en aide à plus de jeunes gens, cela allait de soi ! Le visage rayonnant de joie cachant si bien le silence et l’efficacité de ses gestes, elle repéra deux hommes printaniers en train de converser avec affabilité...
« Je vais pas me laisser faire sale mioche ! »
... et élégance...
« Ouais bah calmos papy hein (...) »
Lys resta à l’écart en observant les deux hommes, en profita pour scanner les lieux plus en détail. Il valait mieux ça plutôt qu’elle s’attardât sur le flagrant manque de politesse des deux êtres manifestement mâles qui conversaient toujours non loin. Enfin, cela ne voulait rien dire ! Peut-être était-ce un mauvais jour, ils pouvaient bien manquer de politesse une fois sans être dénués de bon sens et de logique. Notre Bleuté finit sa tasse de thé. Elle n’y croyait pas une seconde. La Tour rendait les coeurs prompts à l’hyperémotivité et les cerveaux enclins aux barbarismes illogiques. Enfin, une annonce était une annonce et elle était bien ici pour aider son prochain…
« Oh et bien euh, ce sont des hommes, ils sont plusieurs et font partie d'un gang de voyous ! Ils disent à tous les agriculteurs du coin de les payer pour être protégés, mais si on refuse, ils viennent brûler les champs ! »
... à savoir parler et développer esprit critique et bon sens, visiblement. Un gang est forcément formé de plusieurs individus, et si seuls des hommes ont été repérés, cela ne signifiait pas qu’il n’abritait que des hommes. Il y avait aussi une différence entre un gang et des bandits de bas-étage. Enfin, l’heure du rendez-vous avait sonné, il était temps d’agir. Notre Khun fit savoir sa présence en se servant une tasse de thé, vidant ainsi sa tendre théière, en s’approchant d’eux en faisant un peu de bruit – de façon à ce qu’ils pussent anticiper son arrivée – et en les saluant en étant polie. Et elle ne leur donnerait pas des cours de politesse, s’ils ne savaient pas se comporter en société ce n’était pas son problème. Pour l’instant.
« Bonsoir, messieurs. Dit-elle de sa voix fluette et enfantine. Alec, démon des champs, enchantée, je suis Lys. Elle but une gorgée de thé avant de poursuivre, ignorant la bêche pointée vers elle. Cher démon des champs, ce que mon collègue ici présent cherchait à savoir relevait plus... de la position de votre champ par rapport aux autres, des endroits les plus propices à protéger, les endroits stratégiques à savoir d’une part et, d’autre part, des moyens que ce fameux gang possède, des personnes déployées de manière générale, de leur mode opératoire si tant est qu’ils aient le même ou un récurrent, de leurs potentiels soutiens... En bref, ce que vous savez mais avec plus de détails. Elle fit une pause pour sourire et capturer l’essence du regard de l’agriculteur dans le sien. Et abstenez-vous de pointer une arme envers vos alliés. À moins de vouloir nous indiquer que vous n’êtes pas le propriétaire des champs et que c’est de vous que nous devons les protéger ? Non ? Alors baissez cette arme et livrez-nous les informations dont nous avons besoin pour faire notre travail correctement, je vous prie. »
Chapeau de paille... oh, c’était trop long. Chap’ baissa son arme et la tint comme une lance plantée dans le sol en position de repos. Le sourire de Lys sembla l’encourager à parler, même s’il se mit d’abord à bougonner. Notre Bleuté, patiente, attendit qu’il déversât sa peur et sa rancoeur avant de se mettre à table ; elle garda même un sourire chaleureux, avenant et courtois. Elle savait déjà que la Tour Intérieure n’avait aucune logique, heureusement qu’elle en avait et qu’elle continuait de surveiller les environs l’air de rien. Boire du thé étant nécessaire dans cette situation, elle en but donc une gorgée. Qu’il se dépêchât, les bandits n’allaient pas les attendre…
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