Lys sautillait, guillerette, recevant tantôt des regards méfiants, tantôt des regards attendris et rafraîchis, tantôt des regards en demi-teinte soit entre les deux précédents. S'en fichait-elle ? Bien sûr que oui. Elle passait son chemin, s'émerveillant tantôt d'une couleur, tantôt d'une confiserie, tantôt de... nom d'un Baam de la vingt-sixième nuit, serait-ce une feuille qu'elle voyait là-bas ?! Elle devait absolument l'attraper avant que quelqu'un n'osât souiller ce cadeau des arbres. Elle partit en trombe vers l'objet de son admiration et le brandit comme un trophée au-dessus de sa tête une fois obtenu avant de se remettre à sautiller. Fallait-il préciser que la hanse d'une tasse de thé enroulait son auriculaire ? C'est chose faite. Elle se permit même de boire une première gorgée de thé pendant son sautillage qui sembla se transformer en bondillage juste après. Ce thé exquis était tout simplement divin, il n'y avait pas d'autres mots. Une nuance de orange attira son attention et elle eut un sourire magnifique l'espace de quelques secondes. Que la vie était magnifique ! Elle poursuivit sa route en sautillant, émettant des sons de fillette joyeuse faisant une promenade.
Oui... La vie était tellement magnifique que notre douce et tendre Amarillys s'ennuyait comme un renardent noyé, un kelpie desséché, une tourbiloutre décristallisée. Heureusement que la vie était au moins magnifique dans ce genre de contexte de désespoir apocalyptique ! Et en plus... nom d'un Baam de la vingt-septième nuit, était-ce un cupcake avec un glaçage crépusculaire qu'elle voyait là ?! Elle s'arrêta pour le contempler et, alors qu'elle allait boire une nouvelle gorgée de thé pour s'empêcher de baver, son breuvage préféré se déversa sur ses vêtements et au sol. Elle venait d'être percutée, que dis-je, violemment percutée, que dis-je, on venait de tenter de l'assassiner ! Son inexpression arriva plus vite qu'une grenouille miroir dans une lumière vive puis elle se figea. Elle ressemblait brutalement à une poupée grandeur nature et cet aspect s'éternisa quatre secondes durant avant qu'elle ne se retournât avec un sourire calme, paisible, aux lèvres.
« Bonjour, demoiselle. »
C'était une dame qui avait intenté un meurtre si mal préparé à son égard ? Voilà qui était honteux. Hon-teux.
« Je suis navrée de vous avoir percutée... vous n'avez rien, vous n'êtes pas blessée ? Poursuivit-elle avec un sourire contrit et sa voix enfantine au possible. Elle passa une main dans ses cheveux après avoir regardé brièvement l'état de son haut et de ses manches. Auriez-vous un mouchoir avec lequel je pourrais temporairement m'essuyer ? J'ai perdu le mien... »
Sans que son minois contrit mais chaleureux, paisible, n'en fût souillé, sa propre phrase trouva un écho dans ses pensées. Son mouchoir avait disparu ? Pardon ? La main dans ses cheveux alla battre toute en douceur et en lenteur contre le haut de sa cuisse. Son mouchoir avait disparu avec sa peluche miniature favorite ? Mais pardon ?! Son regard n'avait pas quitté la demoiselle et son sourire prit une teinte de légèreté. Qu'importe le fait que Lys, dans son immense bonté, lui offrait une occasion en or pour se racheter. La demoiselle avait osé.
Electra est de très mauvaise humeur aujourd'hui. Un des précieux jeux de sa collection lui a été dérobé alors qu'elle faisait les boutiques, quelques minutes seulement après l'avoir acheté. Cela faisait des semaines et même des mois qu'elle cherchait ce jeu. Dans les étages les plus bas de la Tour, les établissements de l'Atelier ne sont pas très grands et n'ont donc pas grand chose à proposer. Il en va de même pour les boutiques des habitants de la Tour et des Réguliers. Cela a donc été difficile de trouver ce jeu récemment sorti. Ce simple fait donne une motivation supplémentaire à la Tu Perie pour vouloir accélérer son ascension.
Elle marche rapidement, bousculant quelques personnes sur son passage. La jeune femme compte bien retrouver son voleur et lui faire regretter d'être venu au monde -ou d'avoir voulu se frotter à une membre des Dix Familles-. Elle pense que l'abominable criminel est toujours dans le coin, prêt à s'attaquer à une nouvelle proie et elle compte bien le chopper. Détective Electra est dans la place !
Au loin, elle croit entrapercevoir le vilain. Elle accélère encore le pas jusqu'à courir, hors de question de le laisser filer. Mais, elle ne voit pas arriver une jeune femme et finit par la heurter violemment. A cause de cela, voilà que la Régulière est stoppée dans sa course. Elle ne quitte pas sa cible du regard, mais elle ne peut décemment pas laisser la personne qu'elle a percuté toute seule, sans rien lui dire.
« Je suis navrée de vous avoir percutée... vous n'avez rien, vous n'êtes pas blessée ?
"Oui, oui... c'est moi. Ca va."
Ses mots maladroits et son ton laissent clairement entrevoir le manque d'intérêt qu'elle porte à son interlocutrice bien qu'elle n'ait pas de mauvaises intention envers celle-ci. L'inconnue à la chevelure bleue, qui n'est pas sans lui rappeler la tignasse bleue de Yujin, lui demande un mouchoir. La Light Bearer ne comprend pas trop pourquoi elle voudrait un mouchoir, mais elle en sort un de sa lighthouse -sans vraiment regarder ce qu'elle agrippe- et lui donne. Le mouchoir en question ressemble plus à un torchon qu'autre chose, ce à quoi Electra n'a pas du tout fait attention.
"Je suis désolée, mais j'ai un voleur à poursuivre. Je vais pas pouvoir rester avec toi sinon il va m'échapper."
La femme aux mèches colorées plisse les yeux en voyant que sa cible semble avoir plus d'objets qu'elle n'en avait il y a quelques minutes. Elle ne l'a pas vu s'arrêter à une boutique, il n'y a donc qu'une seule raison pour laquelle il aurait pu obtenir de nouveaux trésors en si peu de temps selon elle : il a encore volé. Même si cette fois ce n'est pas elle la victime, la Tu Perie se veut tout de même indignée par la chose. Ce qui encore plus surprenant lorsque l'on se souvient qu'elle a déjà cambriolé quelqu'un avec l'aide d'un Khun.
"Qu'est-ce qu'il fout avec un carton et un mouchoir, ce sale rat ? Il a encore volé des gens ?! Nan mais il s'arrête jamais !"
Elle bouscule une nouvelle fois la bleuté, aveuglée par sa colère, et se met à marcher en direction du voleur.
La demoiselle ne répondait même pas au salut chaleureux de notre Khun ? Si Amarillys n’en tint pas rigueur, c’était uniquement au vu de la mine préoccupée de la demoiselle qu’elle allait vite renommer ‘fauteuse’ au vu de son flagrant manque de politesse. Continuant dans la lignée contrite mais accueillante, elle obtint finalement une réponse de la fauteuse. Quelle honte... Heureusement que son thé n’était pas brûlant. Quelles sont ces manières de vulgaire manante, mais enfin un peu de dignité ! Lys ne laisse rien paraître de ses pensées et continuait sur sa lignée enfantine. Ce n’était pas une fauteuse qui allait réussir à craqueler son jeu d’acteur si parfait qu’il ne se voyait même pas.
« Oui, oui... c'est moi. Ça va. - Je suis ravie, vraiment, de l’entendre. » Répondit-elle avec du soulagement dans son souffle.
Lys était-elle ravie que la fauteuse n’avait rien ? Certes pas, elle l’avait déjà constaté elle-même ; non, elle était ravie qu’elle reconnût un de ses torts. La fauteuse semblait bien plus préoccupée par autre chose mais notre Bleuté ne s’en formalisa pas et quémanda un mouchoir qu’elle obtint. La fauteuse le sortit d’une... un instant, était-ce une Lighthouse ? Enfin, un mouchoir, elle sortit plutôt un torchon. Lys s’en empara d’un sourire reconnaissant et s’épongeait quand la fauteuse récidiviste sortit un flot de mots avec précipitation.
« Je suis désolée, mais j'ai un voleur à poursuivre. Je vais pas pouvoir rester avec toi sinon il va m'échapper. - Bien. Il ne nous échappera pas. »
La fauteuse récidiviste prétendait ne pas avoir volé son mouchoir et sa peluche miniature ? Lys suivit son regard et vit... Oh l’bâtard ! Changement de programme, ce n’était pas la fauteuse tout court qui était morte mais ce parasite qu’elle avait désormais dans le collimateur. Quant à sa proposition, elle n’en était pas une ; Lys ne proposait jamais son aide. Elle aidait, point. Et seulement si c’était dans son intérêt, ce qui était le cas ici pour des raisons évidentes. Notre Khun rangea sa tasse – vide et sèche – puis finit de s’éponger avant d’analyser la situation pour intervenir au mieux. Elle privilégiait l’efficacité, pas le brassage dans le vide. Et elle gardait son minois enfantin et chaleureux, cela allait de soi.
« Qu'est-ce qu'il fout avec un carton et un mouchoir, ce sale rat ? Il a encore volé des gens ?! Nan mais il s'arrête jamais ! - Vous non plus... » Murmura notre Khun après s’être fait bousculer une deuxième fois.
Elle avança en arrière de la fauteuse, d’un pas guilleret mais bien plus calme et efficace qu’avant avoir été victime d’un attentat. Avec des gestes innocents et ingénus, elle sortit sa théière et se préparait à se verser une tasse avant de se rappeler qu’elle l’avait déjà rangée. Elle sourit et se glissa dans le dos de la fauteuse.
« Je le coince là-bas. Et vous me devez une tasse de thé. »
Dommage, Lys n’oubliait jamais. Elle se fondit dans la foule, se préparant à utiliser Ghost Step en cas de besoin et alla vers l’endroit qu’elle avait désigné. La même direction que celle du parasite, disons simplement qu’elle allait plus vite et qu’elle glissait le long des murs dans un silence inquiétant. Elle avait de la chance que la foule qui l’entourait allait relativement vite et la cachait. Lys s’arrêta derrière l'angle d'un mur et, tête collée à ce dernier, elle attendit patiemment que le parasite vînt à elle tout en vérifiant sa trajectoire. Et si elle devait activer Demoiselle, elle le ferait. Elle recula un peu, toujours collée au mur, quand le parasite s’approchait.
Il allait passer un sale quart d’heure. Non. Pas qu’un quart d’heure.
Electra hausse un sourcil en entendant sa victime s'inclure dans la poursuite du honteux criminel. "C'est bien aimable de m'offrir votre aide ! On va en faire de la chair à saucisse !" dit-elle toute joyeuse, ne s'étant pas attendue à recevoir de l'aide aussi facilement et à un timing pareil. Cependant, elle ne peut s'empêcher de se demander pourquoi la bleutée désire l'aider alors qu'elles ne se connaissent pas et qu'en plus elles se sont rentrées dedans -ou plutôt Electra a foncé dans l'autre-.
Dans un nouvel élan de colère et d'impatience, voyant le malfaiteur repartir avec de nouveaux trophées, la Light Bearer bouscule une nouvelle fois la gentille mais étrange régulière qui, une nouvelle fois ne semble pas s'énerver bien qu'elle aurait toutes les raisons de le faire.
« Je le coince là-bas. Et vous me devez une tasse de thé. »
La Tu Perie hoche la tête. "Avec plaisir !" La geek trouve cela étrange, de boire du thé, mais soit, chacun ses goûts. En tous cas, elle n'a pas de soucis d'argent, cela ne la dérange donc pas de payer un thé ou deux, surtout si c'est pour une personne qui a l'air aussi rigolote qu'elle.
Elle regarde la femme dont elle ne connait pas le nom s'éloigner, slalomant entre les civiles comme un fantôme. D'une certaine façon, voire son incroyable agilité et la discrétion avec laquelle elle parvient à s'approcher de la cible la rend inquiétante. Elle se rend donc compte que la personne sur laquelle elle est tombée est assez compétente et qu'elle aurait donc pu avoir de sérieux ennuis. Alors qu'elle voit sa partenaire s'approcher du voleur, la Light Bearer décide de monter sur l'une de ses Lighthouse et de l'utiliser pour passer au-dessus de la foule pour atterrir juste derrière le vilain.
"Tu sais que t'es un homme mort ?!" dit-elle à voix haute afin de l'effrayer et de le pousser à accélérer le pas en direction de la dangereuse inconnue. Lorsqu'il arrive à portée de coup, elle ajoute, en haussant les épaules : "Au fait, ma camarade t'attend de pied ferme. Attention, elle a pas l'air de rigoler."
La fauteuse semblait étonnée de l’aide naturelle que Amarillys lui proposait mais notre Khun ne lui en tint pas rigueur. Elle répondit d’un énergique signe de tête à la suite ; un peu qu’elles allaient en faire de la chaire à saucisse ! De la boue pour le bain des cochons, même. Enfin, qu’importait ce qu’il allait devenir, elles avaient un bâtard à coincer puis tuer et il n’allait pas les aider sur ça, le nigaud. Après la promesse d’une réparation pour sa tasse de thé, elle passa à l’action et se réfugia discrètement derrière un mur. Elle attendit patiemment de pouvoir caresser la douce nuque de ce bâtard avec sa douce et tendre théière mais un événement la prit de court et sa main libre massa un court instant, par réflexe, l’arête de son nez. Pourquoi, mais pourquoi les gens de cette Tour étaient tous autant dénués de logique les uns que les autres ? Elle allait être obligée d’activer Demoiselle maintenant que la fauteuse récidiviste – elle n’y coupait plus, à ce titre, désormais – avait ouvertement dévoilé la mort qui attendait le bâtard en plus du guet-apens. Quelle idée...
Notre Bleutée s’enfonça un peu plus dans la ruelle et se mit en position d’attente, sa théière bien dégainée et prête à immobiliser le bâtard. Si elle comprenait la tactique de la fauteuse récidiviste, cette dernière était loin d’être la plus optimale. Enfin. Tant qu’elles pouvaient arrêter ce voleur et restituer son butin aux véritables propriétaires, elle s’adaptera aux fantaisies illogiques de sa compagne d’une filature. ... tant que ces fantaisies ne desservaient pas leur but, cela allait de soi. Une micro-seconde. C’est le temps qu’il lui fallut pour repérer le malotrus impoli, voleur de son état, qui regardait frénétiquement autour de lui tout en se servant de la foule comme bouclier. Un bruit attira son attention vers notre Khun. Ce bruit ? Celui d’une chaîne métallique fendant l’air pour encercler sa nuque et le tirer sèchement dans la ruelle où elle se trouvait. Une théière n’est pas en métal ? Alors, elle peut être en métal ( mais n’a normalement pas de chaîne, il est vrai ) mais ce n’est pas le sujet ici ; Lys n’avait plus une théière à la main mais une massue d’où partaient deux chaînes. Elle s’approcha du bâtard et l’immobilisa avant de désactiver son arme, qui reprit sa forme de théière douce et innocente. Tout sourire, une bouille enfantine et joyeuse et une force insoupçonnée dans sa poigne, elle le regarda droit dans les yeux.
« Bien le bonjour, monsieur ! Vous savez, commença-t-elle avant de faire un ‘non’ de l’index, ne pas saluer ses vis-à-vis est une impolitesse dans laquelle il ne faut pas s’engouffrer aussi aisément. »
Elle le menaçait toujours de sa théière bien en évidence, l’immobilisait toujours d’une main implacable autour de la gorge, son pouce sur sa trachée, son index et son majeur dans sa nuque ; son genou bloquait sa hanche et sa jambe les siennes. Quand il fit mine de vouloir l’étouffer à deux mains, elle raffermit son pouce et appuya plus profondément avec un « Ttttt, mauvaise idée. » Et si sa compagne de filature pouvait se dépêcher, cela l’arrangerait. Certes, elle avait immobilisé le bâtard, mais elle ne pouvait pas le fouiller en même temps sinon elle serait obligée de tâcher sa précieuse théière de sang et elle n’était pas impolie au point de ne pas veiller à la propreté de sa Demoiselle.
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