L’horrible animal que voilà. Une bête humaine – pour ce qu’il a d’humain – comme on n’en fait plus et comme on ne devrait décemment plus en faire. C’est ça, Bon Jils Gustiae. C’est même plus encore, mais le dégoût comme la lassitude préviennent généralement d’en dire davantage à son sujet. Seulement parfois, il faut savoir se faire violence. Ne serait-ce que pour avertir son prochain du cataclysme Bon Jils.

Qu’on ne lui prête toutefois pas une envergure de fléau. Il est, rapporté à la souffrance, l’équivalent d’un grincement d’ongle sur un tableau qui n’en finirait jamais. C’est-à-dire quelque chose d’à la fois inoffensif et nuisible à l’excès. Un quasi-paradoxe doublé d’un emmerdeur invétéré.
Un emmerdeur dont on ne tarde jamais à percevoir les premiers contours. Des contours qu’on devine à l’oreille.

Parce qu’il est bruyant l’animal. Agité aussi. Expansif comme on ne saurait l’être davantage. L’impudeur et l’indécence brandis en étendard, on l’entend de loin, on l’entend beaucoup ; on l’entend tout le temps et pourtant, jamais on ne veut l’écouter. C’est une tête à claque et on ne se prive d’ailleurs jamais de lui en distribuer tant les moyens de les éviter lui manquent.

Mais, babillard et jacassier, il ne l’est finalement que de façade. Le verbe – compulsif et ininterrompu chez lui – n’est que la vaseline grasse qui recouvre et dissimule ses manigances douteuses. Gus déblatère et cancane par habitude – qu’il a mauvaise par ailleurs - mais il ourdit finalement plus qu’il ne cause encore.

Bon Jils, en bon baratineur insupportable, a l’art et la manière de se montrer obséquieux jusqu’aux excès les plus outrageants, si bien qu’on ne peut s’empêcher de deviner des intentions qu’il ne cache finalement pas tellement. Des intentions peu louables mais qui s’en tiennent le plus souvent à des sournoiseries de basse volée. Évidemment menteur, le mensonge étant pour lui le terreau de sa duplicité comme de de sa rouerie, Gustiae est aussi et avant tout chafouin en diable.
Agissant en toute circonstance comme un persifleur doublé d’un mauvais plaisant – qu’il est au demeurant - sa lâcheté et son sens inné de la sournoiserie n’ont chez lui d’égal que son déshonneur.

Astucieux, il l’est, et parfois trop pour bien. Mais tout aussi habile de ses méninges puisse-t-il être quand il n’est pas occupé à endormir les vigilances derrière ses palabres, ses calculs ne répondent généralement qu’à de basses considérations ; la conjuration, chez lui, se borne à sa petite personne et ne se concrétise que par la mesquinerie d’un instant.

À débiter constamment ses ramages perfides comme il le fait, on se prend à l’apprécier malgré soi. Un personnage comme Bon Jils Gustiae, on s’y fait par habitude plus qu’on ne l’aime vraiment ; mais l’énergumène, causant comme il sait l’être, sait exprimer un charme que l’on croit finalement inoffensif. De son bec, l’animal ne distille pourtant qu’une toxicité flagrante, celle-ci étant si patente qu’on la croirait presque palpable. Mais jamais on ne s’en méfie, son insignifiance faisant alors ombrage à sa malignité.

Méfiez-vous des bavards clownesques à la langue bien pendue et aux idées courtes ; ceux-là cogitent généralement plus qu’ils ne le laissent paraître. Quant à déterminer si celui-ci est foncièrement mauvais, on pourrait plutôt dire de lui qu’il ne réfléchit qu’en terme d’intérêts. N’ayez alors rien sur vous qu’il puisse convoiter et la menace Bon Jils Gustiae s’éteindra d’elle-même.

Il est des carrures qui, par leur tenue, leur envergure, leur prestance, intiment spontanément le respect, voire même l’admiration, et cela, à la suite de la seule expression d’un charisme naturel. Par élimination, la dégaine du sieur Bon Jils, elle répond pas à ces critères. Ou alors elle y répond très mal.

Relevant d’une race d’hominidés tendant vers l’aviaire, Gustiae ressemble à ce qu’il est, ce qui en dit assez long sur lui. Plus petit que le commun des mortels comme tous ceux de son espèce, le mètre cinquante, il ne l’atteint même pas sur la pointe de pied. Des pieds recouverts de bottes d’un vert kaki délavé lui montant à mi-mollet. Il aura su harmoniser sa garde-robe en conséquence. Et quelle panoplie. Si ce n’est un chapeau de pêche portant ombrage à ses petits yeux blancs sans prunelle et néanmoins si expressifs, il ne porte sur lui qu’une longue tunique sans manche déchirée aux extrémités et qui lui descend un peu en dessous des genoux. S’il y a au moins un sous-vêtement sous sa toge verdâtre vous demandez-vous ? À cela, on répondra qu’il est, en ce monde troublé, des questions dont on ne souhaite tout simplement pas connaître la réponse.

Aux bras, le bon Gus porte des bracelets, dont la couleur d’un vert terne s’harmonise elle aussi au reste de la panoplie. Des bracelets de cuir qui lui recouvrent presque l’intégralité de ses avant-bras maigres et dont l’épiderme paraît fait d’une teinte assombrie. Humanoïde malgré sa très sale gueule, il n’a des palmures ni à ses doigts ni à ses pieds ; pas même une plume au cul. Il n’a, comme spécificité aviaire, que ce long bec de canard aux reflets presque cuivrés sur lequel on retrouvera une rainure s’étalant sur toute la largeur.

Et dedans, cette mâchoire qui nasille, en plus d’y retrouver perfidie et mensonge, on y décèle quelques dents pointues très éloignées les unes des autres et qui, par devant, lui dépassent de la gueule même quand celle-ci est fermé - chose très rare en l’occurrence. Sous le chapeau, il n’y a qu’une petite tignasse poisseuse et hirsute perdue entre le châtain et le gris. Celle-là voit rarement le jour alors que Gus reste prudemment à l’abri de son chapeau ; un couvre-chef qui ne le quitte jamais excepté à la suite de chacun des coups qu’il reçoit en plein visage. Ce qui, compte tenu de son tempérament, lui arrive plus souvent que de raison non sans que cela ne soit jamais injustifié.

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De lui, il y a finalement si peu à en dire. Et peu, le concernant c’est encore de trop pour relater ce qu’il a à faire valoir. Vivant de la rapine et de ses petites manigances scélérates, Bon Jils Gustiae n’est rien de plus qu’un petit voleur sans ambition ni prétention issu de quartiers pauvres du quatorzième étage de la tour extérieure. Tout porte à croire que Gustiae a été choisi par Headon du fait de son habileté naturelle et de sa rouerie coutumière. Il est donc, du fait de sa propension naturelle à administrer les coups bas - c’est-à-dire à sa mesure - naturellement disposé à franchir les étages de la tour en les escaladant sur les épaules d’autrui.
Sans nulle autre ambition que de pourvoir à ses besoins et à ses besoins seuls, ses contemporains pourront espérer de lui quelques croches-pied inopinés.

Derrière l'écran • Rôliste depuis plus de 15 ans, amateur de ToG comme on peut s’en douter. J’ai 28 ans et je travaille à la fois en tant que rédacteur web et comme porteur dans les pompes funèbres. Tempérament conciliant.