Il n'y avait pas plus grand honneur que venir au monde au sein des Dix Familles. Phares généreux de cette tour, elles incarnaient les piliers même du trône de Zahard. Aussi, aux côtés d'une si grande lumière, il y avait forcément une immensité d'ombre. Quoi de mieux pour alimenter ces ténèbres que les flammes éternelles des Yeon ?

Pour expliquer l'existence d'Elohim, il fallait remonter à Yechezge'l Cain. Originaire de Ha'aretz, un monde de la Tour extérieur, il devint un régulier quelques trois cents ans plus tôt. Malgré les particularités de son peuple, il s'illustra non seulement pour sa puissance, puisqu'il atteignit le rang prestigieux de Ranker, mais également pour sa beauté. Une peau aux couleurs de la nuit, des traits d'une finesse irréelle, son plus grand exploit restera d'avoir pu séduire une des farouches Yeon.
Une passion enflammée fut le moteur de leur romance. Hélas le bellâtre avait le cœur indécis. Rompre son serment de fidélité, on ne bafouait pas impunément la confiance d'une Yeon. Icare volant trop près du Soleil, le Don Juan fut totalement consumé, ne laissait derrière lui qu'une femme bafouée, et un bambin désormais à moitié orphelin.

De ses parents Elohim n'eut aucun souvenir. Porteur d'un sang sacré, il fut élevé par cette famille, mais les gênes trop exprimés de son géniteur suffisaient à lui refuser l'amour de sa mère. La mort d'Ilarde ne permettait pas au clan de gaspiller une nouvelle naissance, cela ne signifiait pas qu'ils accepteraient un bâtard.

Privé de la fierté de son nom, il profita toutefois du cocon offert par les Dix Familles. Si on ne pouvait en faire un individu, pourquoi ne pas le façonner en arme ? Un bâtard faisait un parfait outil, flamme puissante, elle était néanmoins disposable.
Ezéchiel grandit donc aux côtés d'autres bâtards. Confort spartiate, éducation dirigée, les jeunes âmes furent merveilleusement polies. Tandis qu'une discipline de fer façonnait le corps, un embrigadement implantait l'amour de la matriarche, Yeon Hana, au plus profond de leur chair. Culte de la personnalité élevé en religion, au sortir de l'adolescence, les survivants de cette éducation abruptes incarnaient l'essence même du fanatisme.

Yechezqe'l Y. Elohim, voici donc d'où venait sa passion. Le reste de sa vie fut celle d'un Croisé. Que ce fut sur le chaos du champs de bataille, où dans les vêtements sombres de l'assassin, Ezéchiel vivait en parfait chien de garde. Inconscient de sa condition, il se plaisait dans sa servitude, convaincu que chaque action, chaque sacrifice, le rapprochait d'avantage de l'expiation de son péché. Naître, tel était son plus grand tord, et c'était avec plaisir qu'il suait eau et sang afin de se repentir.
Une énième bataille, notre Croisé se retrouva encerclé, et bien entendu plutôt que de rendre les armes, il s'élança vers l'ennemi. Une pluie de balles brisèrent son assaut, mourir…

Pour mieux renaître. Un ciel azur, l'air du second étage… le paradis sans doute, où une seconde chance ?